• J'étais avec Bousbec et Aromio à la terrasse du café où qu'on se joue le tiercé, quand Tchalifa il s'arrive en courant ac la figure rouge qu'on se serait dit un homard :

    - Ola !!! Dites, vous savez quoi ? Hein !?!

    - Oui. Nous, on sait qu’on se boit l'anisette…

    - J'ai attrapé les favoris pour le tiercé du quinté qui part dedans dix minutes.

    - T’as attrapé les favoris ? Et d’où c’est que tu les as volé ?

    - C’est mon cousin qu’il me les a dit.

    - Et qu’est-ce qu’il se connaît, ton cousin ?

    - Il travaille à les ordures du champ de course. Il est copain ac le balayeur qui se nettoie les bureaux et qui entend tout ça qui se dit par les spialistes des chevaux qui s’écrivent dedans le journal des courses.

    - Et qu’est-ce on en a à fout’ pisque c’est marqué dedans le journal ?

    - Oui, mais là non ! Le copain de mon cousin il a dit que les spialistes ils ont écrit des choses que c’est pas vrai et qu’ils ont fait exprès pour qu’ils se gagnent le quinté pour eux tout seul.

    - Ah bon ? Et c’est quoi tes favoris ?

    - D’abord tu me payes l’anisette et après je te dis les numéros.

    - Mais malafatche de purée d’ta mère !!! A moi tu vas raconter des tchalèfes pour que j’y paye l’anisette ??? Vas te noyer à dedans l’Oued Merda, va !!!

    - Bon d’accord… je te donne les numéros et tu me payes l’anisette…

    - Un coup d’pied au cul, je te paye, moi !!! Si je gagne, à tout le monde j’y rempli le verre ! Deux fois !

    - Bon, bon… 7 heu… 11 et 9 … et puis…15 et… heu… 2 !

    Du coup, on s’a tous levé pour aller jouer les numéros.

    Pendant que Bousbec il faisait son ticket, je me pensais que Tchalifa, le pôvre que sa mère elle l’a fait tombé par terre quand il était petit, il était pas à retenir des numéros comme ça et qu’il avait sûrement du se les mélanger.
    Et puis… si les spécialistes du journal des courses ils donnent pas les bons numéros pour que leur papier il se vende… qui c’est qui va les donner ?
    Alors, j’ai regardé à dedans le journal, pour voir, et j’ai fait mon ticket à la grâce de Dieu : 9 11 2 7 13.

    Brave comme je suis, j’ai payé la deuxième tournée aux trois fouracheaux qui me servent de compagneros. Même à Tchalifa.

    Pendant que je mangeais les cacahouètes, y’a Aromio qui dit comme ça que depuis le temps que les chevaux ils sont partis, ils ont du venir vieux.

    Bousbec il s’a tout de suite levé pour chercher les résultats.

    Quand il est revenu, il avait le boeuf qui lui était monté à la figure et il s’a attrapé Tchalifa que d’un peu il lui mettait la tête à l’envers :

    - A nous tu nous dis que t’as les favoris ?! Espèce de manja cagua ! Attends que je m’en va te faire bouffer les oursins sans les plucher !!

    Pendant que tous les deux ils s’expliquaient comment qu’on se mange les fruits de mer, je regardais les résultats que Bousbec il s’était revenu avec : 9 11 2 7 13…

    - Notre Dame de Santa Cruz !!! Les cinq !!! Je me les ai les cinq !!! 9 11 2 7 13 ! Dans le même ordre que c’est qu’ils sont arrivés !!! Hé ! Z’avez entendu !?! J’ai gagné le tiercé du quinté !!! Les cinq d’un coup !!! Je suis riche ! Je suis millionnaire ! Les cinq !!!

    Quand tout le monde il s’a entendu ça, ils ont fait le cercle autour de moi :

    - Et comment t’as fait ?

    - T’as pas fait les numéros à Tchalifa ?

    - Tu payes l’anisette ?…

    A tous j’y ai payé ! Même à ceux là que je connaissais pas !
    Millionnaire… Sainte Vierge !!
    Bousbec il se cherchait Tchalifa dans la foule pour lui coller un asting numéro un, mais l’autre il s’avait fait scappa après avoir vidé son verre…
    Et moi… je repayais la tournée.

    Tout en haut de la rue, dans la petite maison bordée par un minuscule jardinet et une petite cours, Hermosa attendait son mari :

    - Ho ! Tchalifa !!! Arrête de courir et dis moi où qu’il est mon Tonico !

    - Ola Hermosa ! Tonico, il est à la terrasse du tiercé.

    - A la terrasse du tiercé ??? Aïe que si j’apprends qu’il a dépensé à les courses les 5 euros que j’y ai donné, je lui colle une calebotte que le mur il y en donne une autre !!!

    - Mais… Il a…

    - Aïe Tchalifa, ne me dis pas qu’il a joué le tiercé, hein ?! Ne me le dis pas !!!

    - Mais…

    - Et à toi aussi je t’arrache la figure pour cause que t’y as laissé faire !!!!

    - Mais Hermosa… Il a gagné les chevaux dedans l’ordre !

    - Hein ??? Mon Tonico à moi il gagné les chevaux ??? Dedans l’ordre ???

    - Oui ! Les cinq !

    - Aïe aïe aïe ! Santa Madre de Dios ! Mon Tonico il a gagné !!!... Il a gagné !! Mon Tonico !!!......... Et… Et combien il a gagné ?

    - Cinq !

    - Cinq quoi ?
    - Ben… les cinq chevaux !

    - Je te dis pas combien des chevaux il a, bourricot ! Je te demande combien de l’argent il a gagné !!!

    - Je sais pas, mais tout le monde y se dit qu’il est venu millonnaire…

    - Millonnaire ?!? Mon Tonico il est millonnaire ???? Aïe aïe aïe mon fils ! Que la Grâce de Dieu elle te tombe sur la figure pour toutes cette bonne nouvelle que tu m’apportes !!! Millonnaire !!! Mi Tonico !!!! Aller viens… viens mon fils que je te sers l’anisette. Viens… viens que tu l’as mérité… Millonnaire !!!…

    Arrive madame Sorrietta, sourde comme un pot, canne à la main.

    - Ola ! Que passa aqui Hermosa ? Tu as attrapé des courants d’air ?

    - No doña Sorrietta, no… c’est Tonico… il est venu millonnaire !!

    - Tonico ??? Il est pas malade au moins ?

    - Non !!! Il est MI-IO-NAIRE !!!

    - Millonnaire ??? Oooolaaaa !!!... Donne moi une chaise que me l’assoie… donne, ma fille… Et combien il a gagné ?

    - Des millons !

    - Des mions ? Et ça fait combien ?

    - Des MI-ION !!!

    - Oooooolaaaaa !!!

    Madame Sanchez, qui n’avait pas perdu un mot de la conversation, dissimulée derrière ses persiennes, ouvre grand ses volets et interpelle Hermosa :

    - Ola Hermosa ! Dites ! Je me pensais… vous savez… la jolie veste à rayures que mon pauvre mari il s’avait acheté neuve, elle irait pas au votre ? Pourquoi ici elle fait rien et ça serait dommage que c’est les mites elles se la mangent…

    - Merci madame Sanchez, merci… mais vous savez, maintenant que mon Tonico il est venu millonnaire…il va pouvoir acheter même un magasin où qu’on se vend les habits du dimanche !

    - Comment ? Tonico il est venu millonnaire ?

    - Bé oui ! Il a fait cinq chevaux dedans l’ordre au tiercé !... Millonnaire on est !

    - Ooolaaa… et ma pauvre Juanita qu’elle s’a même pas de quoi s’acheter le couscoussier avec ça qui gagne son mari à plucher les sardines…

    - Vous inquiétez pas madame Sanchez… Avec ça que mon Tonico il va ramener, un couscoussier électrique j’y achète à vot’ fille. Et avec une marque dessus, en plus !

    - Oooolaaa… Qu’est-ce qu’elle va être conteeeente ma Juanita…

    Bientôt, les voisins se pressent devant le portillon où se tient Hermosa qui toise ses nouveaux admirateurs. Madame Sorrietta, assise sur une vieille chaise à la paille défraîchit, lève sa canne comme pour compter les curieux, fière de montrer qu’elle « fait partie de la famille ».

    Profitant que son hôte lui tourne le dos, Tchalifa, attablé au guéridon dans la petite cours, se ressert une anisette et lève son verre, narquois, en direction de la foule.

    - Buenos dias Hermosina !

    - Ola madame Morales ! Qué tal ?!

    - Dites… il paraît que Tonico il a gagné vingt millons ?!

    - Vingt millons ??? Oui... oui, madame Morales ! Mon Tonico à moi il a fait qu’on est venu millonnaire !!! Vingt millons !!!…

    - Et… et qu’est-ce que vous allez faire avec tous ces millons, là ?...

    - Ouulaaa ! Plein des choses madame Morales… plein des choses. On a plein des projets… D’abord, mon Tonico il va me faire refaire la tapisserie de la cuisine par un spialiste de l’architecture des maisons. Et puis après, il va me mettre une baignoire avec de l’air qu’elle fait des bulles, dans la salle de bains. Pendant ce temps, moi, j’irai m’acheter des chaussures vernies et des robes de chez le tailleur Gouchi, et puis…

    - Dites Hermosina, je voulais vous demander… s’il vous en reste un peu… vous pourrez me prêter dix mille francs que mon mari il a besoin pour refaire la façade du magasin des cannes à pêches ?

    - Dix mille francs ? Mais madame Morales, bien sûr je vous les prête ! Et même que le taux, pour vous, il est gratuit !

    - Merci Hermosina… mille merci ! Je vais dire tout de suite à mon mari qu’il vous fait la réduction à Tonico quand il vient au magasin !!

    - Madame Hermosa ! Moi, je me demandais si vous arez pas de l’argent pour me prêter que j’achète un bouc jeune, pourquoi mes chèvres elles se fatiguent le lait à faire les kilomètres pour aller voir çuilà de la ferme Villamosa. En plus qu’il est vieux, des fois elles reviennent pas contentes.
    - Mais oui Chicano ! Combien qui coûte ton bouc ?
    - 200 francs y se vend à chez Velasquez, le marchand des bestiaux.
    - 200 francs ? C’est tout ? Vas-y mon fils, vas-y… pour ce prix là, l’argent, je te le donne. Vas-y chercher ton bouc et dis-y au père Velasquez que Tonico il va passer pour lui payer.

    - Et moi, Madame Hermosa ! Et moi…

    - Oh la !!! Attendez, attendez… Que tous vous faisez la queue sans faire le potin. Tchalifa !!! Lache moi l’anisette et amène moi le guéridon et la chaise ici ! Je vais chercher le papier et un crayon pour noter tout ça qui veulent ces braves gens !


    Pendant qu’Hermosa enregistre méticuleusement les doléances du voisinage, Tonico entame la sixième tournée à la Terrasse du Tiercé.

    Encadré par Bousbec et Aromio, tels les premières dauphines de Miss France, Tonico, un peu éméché, debout sur une table, lève son verre en saluant la foule.

    - A tous j’y remercie d’être venu à ma fête !

    - C’est ta fête ou c’est que t’as gagné le tiercé ?

    - Heu… On s’en fout… Je lève mon verre à la santé qu’elle vous quitte pas à tous et qu’elle vous garde en sa sainte protection ! Et que tous ils se gagnent le tiercé comme moi pour qu’ils viennent riches !

    - Ouaaaiiiiis !!! Et vive nous z’autres !!!

    Un petit homme, sec, moustachu, le canotier canotant, interpelle poliment le héros du jour :

    - Je vous félicite, monsieur, pour votre bonne fortune et vous remercie pour l’élégance de votre geste.

    - Qu’est-ce y dit ?

    - Hmm… ce n’est pas très important… mais merci pour le verre. Dites moi… Je me demandais… Avez-vous eu connaissance des rapports de cette course ?

    - Des quoi ?

    - Et bien… des rapports de la course…

    - ?????

    - Entre d’autres termes : savez-vous combien vous avez gagné ? Si ce n’est pas indiscret…

    Pêle-mêle, les réactions hautes en volume ne se firent pas attendre :

    - Mais des milliers il a gagné !!!

    - Qué des milliers, des millons ouais !

    - Ouais… des millons ! Plein des millons !

    - Ouais !!! Un tiercé de quinté, c’est des millons que tu gagnes !!!

    - Et un quinté de cinq dans l’ordre, en plus, c’est plus de millons que ça !!!

    - Ouais ! Bien dit !!!

    - Ouais…

    Le petit homme, toujours courtois, ne se laissa pas impressionner :

    - Des millions… certes, certes… Mais combien précisément ?

    - Plein !!!!


    Le patron du café se hasarda :

    - Excusez moi, mais ils donneront pas les gains avant ce soir. Si tu veux, Tonico, je viendrai te les dire dès que je les ai…

    Tonico, manquant de tomber de sa table, senti les effluves anisés lui envahir les sinus :

    - Hein !!! A moi tu dis que t’as pas les gains que j’ai gagné ????... Et mes millons ??? Où c’est t’as mis mes millons ????

    - Ola Tonico ! Calme toi… calme toi… Le temps que les messieurs du tiercé ils épluchent les tickets de ceux là qui ont joué et qu’ils calculent combien que ça fait les gains, il fera presque nuit.

    - Pasque moi, je pars pas d’ici sans mes millons !

    A peine Tonico venait-il de fermer la bouche qu’Hermosa arrivait en ouvrant la sienne :

    - Toniiiiico !!!! Mi Toniiiico !!!! A te voilà !!! Que je t’attends depuis des heures pour qu’on se fête les vingt millons qu’on a gagné !!!

    - Qué vingt millons ??? D’où que tu sais, toi, que j’ai gagné vingt millons ?

    - Hé bé… c’est madame Morales qu’elle me l’a dit !!!

    - Et d’où qu’elle le sait, elle, la mère Morales, que c’est vingt millons ? Elle est devinatrice ?

    - Ben…

    - Mais… ‘spèce de galimotte !! Comment tu veux elle sait quoi quand les messieurs du tiercé ils ont pas talculé combien j’ai gagné ?!?!?!

    - Aaaaïïïee… Dios mio !!! Et moi que je lui ai promis dix mille francs pour que son mari il refait la façade du magasin des cannes à pèche…

    - T’y a promis quoi ???

    - Et bé… dix… heu…

    - Mais la pugneta de tu madre !!! D’où c’est depuis quand tu prêtes mon argent qu’il est pas dans ta poche à toi ???

    - Mais… Tonico… Je…

    - Aller va !!! Va de là à la cuisine !!! Et vas-y y dire à la mère Morales qu’elle peut s’arepeindre la façade ac de la colle à poisson et du rouge à lèvres !!!

    Croisant Hermosa qui repartait grommelant et tête basse, monsieur Velasquez, le marchand de bestiaux, entre à la Terrasse du Tiercé :

    - Ola Tonico ! Je te serchais… T’as attrapé le boeuf ou quoi ?

    - Raaaah… que Hermosa elle se prend pour la banquière de la surcussale de la Caisse d’Espagne.

    - Et ben tiens, que tu parles d’argent… y’a le petit Chicano qu’il est venu m’acheté un bouc.

    - Et alors ? Qu’est-ce que ça m'aregarde ?

    - Hé bé… il a dit que c’est toi qui dois passer me voir pour payer.

    - Quoi ??? Et d’où c’est que c’est moi qui paye ça que tes clients ils t’achètent, maintenant ???

    - Ben… Le Chicano il est venu comme ça, il s’a choisi un bouc et il a dit : « C’est la femme a Tonico qu’elle a dit qu’il passerait vous payer. »

    - Mais la put..rée d’sa mère à elle !!! C’est quoi ces histoires ??? Y’en a qui cherchent ma mort ou quoi !!! Et toi, couillon d’la lune que t’y est, tu donnes un bouc à n’importe quel fouracheau qui vient te dire que c’est moi qui paye ?... Bourricot, va !!!

    Sur ces bonnes paroles, Bousbec arrive en courant, essoufflé, un papier à la main.

    - Ayé !!! Ayé Tonico !!! Les rapports des gains y sont arrivés !!!

    - Alors ? Alors ? Fais voir !!!

    - Attends, je te lis : Pour trois numéros tu gagnes deux euros soixante, pour quatre…

    - Mais ‘spèce de zlabia ! Tu crois j’ai joué au Loto ou quoi ? Donne moi ça !!! Alors… Prix des Calanques Grecques, 9 11 2 7 13, dans l’ordre… 4620 euros !!!

    - 4620 euros ? C’est tout ?

    - ???? Et mes millons ???? Où qui sont mes millons ? C’est quoi ces tchalèfes qui sont marquées sur ton papier ?

    - C’est peut-être un acompte…

    - Un acompte ??? Je vais t’en fout’ des acomptes moi !!!

    - Aller… c’est mieux que si t’avais perdu à cause de Tchalifa ! Tiens, je te la paye l’anisette, moi. A la tienne !


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  • NdA : Si t’as pas lu le premier épisode, tu vas rien comprendre.
     
    A peine j’arrive à la maison, ac la télé toute belle que j’a acheté, qu’y se tenait un peuple à dedans la cours qu’on se croirait le cirque. Y’avait Tchalifa, Bousbec, Hernandez, Cohen et toute la smala de malafatches (1) du quartier.

    Tous y m’attendaient que j’y paye l’anisette pour fêter la télé.

    Hermosa elle s’avait pas pu se taire. Ac elle, t’a pas besoin de passer l’annonce dans la gazette. Tu l’y dis et toute la ville il est au courant de ça que c’est. Et si tu veux ça va pluss vite, t’y dis comme ça que c’est un secret.

    Hermosa, qu’elle se regardait par la fenêtre, elle dit comme ça :

    - Ho ! Tonico ! Dis-y à ces fouracheaux qui t’aident à monter la télé. Que çuila qu’il aide pas, même pas un verre d’eau je lui montre !

    De la peur qu’ils ont eu de pas boire l’anisette, tous y se sont battus pour mener la télé à le salon que d’un peu ils me la fouttent parterre. Le temps que je colle un calbotte niméro 1 (2) à Tchalifa qui se jouait ac la télécommande, Hermosa elle dit comme ça qu’elle veut qu’on se sange la télé de place.

    - Et pourquoi tu veux pas on la laisse là ?

    - Madame Sanchez elle m’a dit qu’y faut pas que le soleil y lui vient dessus, pourquoi après les couleurs elles sont pas belles et la télé elle vient noir et blanc.

    - Et qu’est-ce qu’elle se connait la mère Sanchez ? Elle s’a même pas le certificat d’études…

    - Oui, mais c’est sa fille Juanita, que son mari y travaille à plucher les sardines et qu’il a un copain que son frère y se porte les colis à le magasin côté celui des télés. C’est lui qu’y a dit.

    - C’est des tchalèfes ! La mère Sanchez, elle est jalouse que t’y a dit qu’on s’a acheté la télé qu’elle est neuve.

    - C’est pas vrai ! C’est pas moi qu’y a dit ! J’ai parlé à madame Sorrietta que la pôvre elle est presque sourde et que madame Sanchez qu’elle était pas loin elle a entendu.

    - Toutes façons, c’est une mala langua (3) ! Que quand elle ouv’ la bouche, le venin du serpent y se sort sans elle dit quoi. Et puis, si tu veux je mets la télé ailleurs, faut bouger tous les meubles.

    - Profite que t’as tous ces artistes à la maison pour aider.

    Quand ils ont entendu ça, tout le monde y s’a fait scapa…
    Et moi, j’a laissé la télé où qu’elle était et tout seul je me suis bu l’anisette.


    (1) Malafatche : Sale gueule.
    (2) Calbotte : Une beigne derrière la tête. Le "niméro" étant le degré d'intensité du calbotte...
    (3) Mala langua : Langue de vipère, mauvaise langue


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  • L’aut’ jour, y’a Hermosa qui me dit comme ça :

    - Ho ! Tonico ! Va t’en à le marchand qu’il se vend les télés et ramène m’en une qu’elle est belle, pourquoi celle là, ni en peinture je peux me la voir !

    Moi, j’ai fait fissa dans la voiture, pourquoi si Hermosa elle s’attrape le bœuf qui lui monte à la fugure (1), elle va encore avoir des crises d’orgasme qu’elle va être obligée d’arespirer dedans le tube que le doteur il y a donné.

    A peine j’arrive à le magasin des télés qu’un vendeur qu’il a le costume du dimanche, la cravate rayé et tout et tout, il se vient vers moi.

    - Bonjour monsieur, puis-je vous aider ?

    - Oui. Je viens pour la télé.

    - Une télé ? Certes ! Quel modèle vous intéresserait ?

    - Une qu’elle est jolie, ac (2) la télécommande et tout !

    - Quelle taille souhaitez-vous ? Une petite, une grande…

    - Une grande, pourquoi l’image elle est pluss belle et qu’on n’a pas à se coller le nez dessur pour aregarder les missions.

    - Nous avons ce modèle 4/3, 72 cm, en 100 Hz qui est d’excellente qualité…

    - Qué quat’ tiers ? Et qu’est-ce que vous voulez que je fout’ avec le tiers de trop ? Z’avez pas une télé entière ?

    - Oui, tenez… si vous êtes amateur de cinéma, je peux vous proposer notre gamme d’écrans 16/9ème...

    - 16/9ème ? Hé, hombré ! Je sais compter, là ! C’est une qu’elle a des morceaux en pluss qui dépassent !

    - Non non… vous n’y êtes pas. Ce sont les standards…

    - Les standards ? Et qu’est ce qui viennent fout’ les gens du téléphone dans les télés ?

    - Attendez, on va reprendre : Il existe des 4/3 et des 16/9ème.

    - Ha ! Et combien les sous ça coûte ça ?

    - Voyons… ce modèle 4/3, 72 cm est à 599 euros. Sinon, celui-ci, 16/9ème, 82 cm, est à 999 euros.

    - Attends, je prends la talculette… Mais ça va pas ça ! La télé qu’elle est moinss grande elle coûte pluss cher à l’unité que celle qu’elle est pluss grosse !

    - Mais, monsieur… il me semble normal qu’une télé qui…

    - Arrêtez me raconter des tchalèfes (3) ! Moi, quand j’achète l’anisette par bouteille de un litre et dimi, le litre y coûte moinss cher que si je m’en achetais la bouteille qu’elle en contient moinss. Et pour la télé, c’est kifkif borricot !

    - Mais monsieur, les modèles de télé…

    - Vous avez rien compris à ça que je vous dis, moi ! Si Hermosa elle s’achète dix mèt’ carré du tissus qu’elle se fait la mini jupe avec, ça coûte moinss cher au mèt que si elle le prenait par un. Et pour la télé c’est pareil. Ouala ce que je dis, moi !

    - Ecoutez… il me semble difficile d’appliquer ce principe à…

    - Mais c’est où vous avez appris faire le commerce vous ? C’est où vous avez appris embrouiller le client ? A l’Ecole Tchalèfi Bab Al Asmouz ? Allez, va ! Va me sercher ton Grand Salaouètche (4) que j’y espique comment on se traite nous aut’ ici !

    - Heu… Si c’est une remise que vous voulez, je peux toujours…

    - Qué remise ? Qu’est ce tu veux je foute ac un placard ??? Je suis venu pour acheter la télé à Hermosa, pas une penderie !

    - Heu… Une promotion, hein ? Je vais vous faire une promotion ! Un prix ! Hein ?

    - Allez, va ! A combien tu me fais celle là qu’elle est toute plate et qu’elle dépasse les deux côtés qu’on se croirait le « Pitanic » ?

    - 799 euros ! C’est cadeau ! Un magnifique 16/9ème de 107cm.

    - Y’a la télécommande aussi ?

    - Oui oui ! Bien sûr !

    - Aller, emballe moi tout ça et va me faire la facture que moi je paye !

     

     

    Traduction pied-noir - français (au cas où...) :

    (1) Le bœuf qui lui monte à la fugure : Une grosse colère qui te fait la tronche toute rouge.

    (2) Ac : Avec.

    (3) Des tchalèfes : Des mensonges, des conneries.

    (4) Grand Salaouètche : Grand patron, directeur.


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  • La plupart d’entre nous, tout gosse, ont été bercés par les contes de Grimm et autres histoires à dormir couchés, où les fées, les princesses et les princes charmants peuplent de splendides châteaux entourés de jolies forêts où gambadent de gentils lapins blancs. Moi… c’est Cagayous qui m’a bercé.

    Cagayous est l’œuvre d’Auguste Robinet, dit Musette, qui fut instituteur, philosophe, journaliste, critique et écrivain. En 1894, la première histoire de Cagayous est publiée dans un journal algérois.

    Cagayous s’inscrit dans la lignée des roublards « au cœur tendre », tels Goupil et Scapin.

    Son langage est celui pratiqué par les français d’Algérie de l’époque. C’est un mélange subtil et bordélique de français, d’espagnol, d’italien et d’arabe, reflétant la diversité ethnique peuplant l’Afrique du Nord en ce temps là. Aucune académie n’ayant validé cette « langue » dite «pied-noir », il me parait peu évident de vous en proposer une orthographe, voire une syntaxe, officielle…

    Inspiré par les œuvres de Musette et la réalité trépidante de la vie de mes voisins, amis de la famille et autres parents, j’ai imaginé les histoires de Tonico et Hermosa, couple pied-noir exubérant qui évolue sous les caresses d’un soleil méditerranéen en compagnie d’une tripotée de personnages tous plus atteins les uns que les autres.

    Merci pour votre indulgence au regard de mon style. Je ne suis ni écrivain, ni académicien ; seulement un pitre de style pied-noir qui aura atteint son objectif s’il vous soutire un sourire.

    Le premier épisode de la saga arrive demain, 10 octobre 2014.


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